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Plateforme en ligne : ce que prévoit la loi anti-fraude

Tech&droit - Start-up, Données
16/10/2018
Le 5 octobre dernier, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Un texte qui instaure de nouvelles obligations pour les plateformes d’économie collaborative. Lesquelles ?
 
 
Rappelons que le texte avait fait l’objet d’âpres débats entre les deux chambres qui n’étaient pas arrivées à un accord, notamment sur l’article 4 qui vise à lutter contre la fraude fiscale sur internet.
 
Dans le cadre de la procédure accélérée engagée par le gouvernement sur ce texte, une commission mixte paritaire a proposé un texte de compromis. Le Sénat et l’Assemblée nationale l’ont adopté  le 10 octobre dernier. Le dispositif voté intègre des obligations d’information et un nouveau régime de responsabilité pour les plateformes.

 
Les plateformes soumises à de nouvelles obligations déclaratives
Toutes les plateformes sont-elles concernées ? Le nouvel article 242 bis, du Code général des impôts (issu de l’article 4 de la loi relative à la lutte contre la fraude), s’appliquera à toute plateforme d’économie collaborative dès lors qu’elle met « en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service ».
 
Quelques exemples de plateformes concernées :
- Les plateformes de prestations de services (bricolage, jardinage, coaching sportif, babysitting, soutien scolaire, etc.), comme la plateforme Stootie ou Hopwork ;
- Les plateformes de location, de voiture, comme Drivy, Ouicar ou Koolicar ou Zilok (objets de tous types à louer entre particuliers ou professionnels) ;
Les plateformes d'hébergement, comme Airbnb ;
Les plateformes de mobilité, du type Blablacar Uber, LeCab ou Chauffeur Privé ;
Les plateformes de vente de biens, c’est-à-dire, les marketplace, comme Leboncoin.
Source : commission des finances du Sénat, d'après l'étude de PwC précitée et les éléments transmis ou publiés par les différentes plateformes
 
Que doivent-elles déclarer ?
Aux termes de cet article, l’opérateur de la plateforme doitrenseigner, d’une part,  l’utilisateur sur ses obligations fiscales. Et, d’autre part, lui transmettre chaque année, ainsi qu’à l’administration un récapitulatif des :
« a) Les éléments d'identification de l'opérateur de la plateforme concerné ;
 b) Les éléments d'identification de l'utilisateur ;
 c) Le statut de particulier ou de professionnel indiqué par l'utilisateur de la plateforme ;
 d) Le nombre et le montant total brut des transactions réalisées par l'utilisateur au cours de l'année civile précédente ».
 
Notons toutefois qu’un certain nombre d’exceptions à ces obligations sont prévues, tenant à l’objet de la transaction et au montant cumulé des gains du vendeur.
La loi prévoit deux limites à l’obligation de transmettre les informations.
La première restreint cette obligation en excluant de son champ certains types de transaction, la députée Émilie Cariou, rapporteure pour l'Assemblée nationale, avait en effet insisté sur la nécessité d’« exclure tous les biens d'occasion et le partage de frais des transmissions d'informations, estimant que l'on transmettait trop d'informations personnelles à l'administration fiscale pour ne rien en faire ».
Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat, avait abondé dans ce sens, estimant que « La vente d'objets d'occasion entre particuliers et le partage de frais ne doivent pas être fiscalisés ». De même, cette obligation d’information ne s’étend aux transactions, qui n’atteignent pas « un montant annuel fixé par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale ou lorsque le nombre de transactions réalisées dans l’année est inférieur à un seuil fixé par le même arrêté ».
 
Pas d’obligation, non plus, de transmission à l’administration fiscale du nombre et du montant total brut des transactions  lorsque « les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de biens meubles ou de droits relatifs à ces biens » n'excèdent pas 5 000 euros (CGI, art. 150 UA). Étant précisé que les meubles meublants, les appareils ménagers et les automobiles ne sont pas soumis à cet impôt et ce, quel que soit leur prix de cession. Dès lors, il n’est pas nécessaire d’informer l’administration fiscale à leur sujet.
 
Un nouveau régime de responsabilité solidaire des plateformes
À l’instar de ce qui se fait en Angleterre (L. fin. britannique, 26 mars 2016, P. 119), l’article 4 ter du projet de loi relative à la lutte contre la fraude a introduit dans le droit français une obligation solidaire à la charge des plateformes dans le paiement de la TVA due par les vendeurs, même étrangers, dès lors qu’ils proposent leurs services à des consommateurs français.
 
Cette mesure avait été proposée par le Sénat, mais n’avait pas trouvé d’écho à l’Assemblée nationale, les députés estimant qu’elle risquait d’être superflue « compte tenu de la directive TVA, qui va entrer en vigueur en 2021 », avait expliqué en commission paritaire Émilie Cariou.
L’article a donc été réécrit en commission. « Le dispositif proposé ne s'appliquera plus lors de l'entrée en vigueur de la directive pour les cas concernés, mais il aura toujours son utilité pour d'autres cas », conclut la députée.
 
Cet article 4 ter prévoit que « les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l'article L. 111-7 du Code de la consommation, dont l'activité dépasse le seuil de nombre de connexions défini au premier alinéa de l'article L. 111-7-1 du même code » peuvent être tenus solidairement responsable du paiement de la TVA due par leurs utilisateurs.
 
Ainsi, lorsque l’administration soupçonne un utilisateur de fraude à la TVA, elle peut demander à la plateforme de prendre des mesures pour qu’il régularise sa situation. L’opérateur doit tenir l’administration des actions qu’il a entrepris dans ce sens. À défaut, après une mise en demeure et un délai d’un mois, ce dernier devra s’acquitter lui-même de la somme due.
 
Enfin, rappelons que ce dernier article dont les modalités d’application seront précisées par arrêté du ministre chargé du Budget, n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2020. Cela permet de « laisser le temps aux plateformes de s’adapter » indique M. Albéric de Montgolfier.
 
Après la TVA, la taxe sur le chiffre d’affaires ? Un certain nombre de pays (surtout la France) poussent en effet pour la mise en place d’une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires des géants du numérique (Fiscalité du numérique : un enjeu à 5 milliards, Actualités du droit, 23 mars 2018 ; Actualité du droit, Taxation des Gafa: un accord européen d'ici fin 2018 est "jouable", 11 oct. 2018). Mais le sort de cette taxe est pour l’heure bien incertain…
 
Source : Actualités du droit