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Taxe GAFA : ce que prévoit le texte voté en 1re lecture par l’Assemblée nationale

Tech&droit - Start-up, Données, Intelligence artificielle
09/04/2019
Le 8 avril dernier, l’Assemblée nationale a adopté l’article 1er du projet de loi portant notamment création d’une taxe sur les services numériques. Des précisions ont été apportées sur l’assiette de cette taxe. Le point.
 
Lors de son discours à l’Assemblée nationale, le 8 avril dernier, Bruno Le Maire avait tenu a rappelé le contexte de cette taxe sur les services numériques (v. pour les modifications adoptées en commission des lois, La taxe GAFA en séance publique à l’Assemblée nationale, Actualités du droit, 8 avr. 2019) : « Nous avons avancé dès le départ pour obtenir un accord européen. Il y a deux ans, la France était seule. Nous avons obtenu le soutien de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni et de l’Espagne. En deux ans, nous avons convaincu 23 États. J’aurais bien sûr préféré que nous en convainquions 27. Mais nous ne pouvons pas attendre indéfiniment que l’Europe se mette d’accord (…) ».
 
Le ministre de l’Économie et des finances relevait également que « d’autres grands pays européens nous suivent et ont opté pour cette solution nationale : l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, et la Grande-Bretagne. La Pologne y travaille aussi activement », précisant, en outre, que « c’est dans ce cadre multilatéral que nous continuerons nos efforts au niveau international en travaillant à l’OCDE pour trouver un accord d’ici 2020 ».
 
L’occasion également de répondre aux critiques américaines : « Nous travaillerons avec nos partenaires américains pour trouver la meilleure solution. Avec le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, nous sommes déterminés à faire progresser cette solution internationale. Mon engagement et  clair : le jour où il y aura une taxation du numérique au niveau international, la France renoncera à sa taxation nationale ».
 
Des précisions sur l’assiette de la taxe
Quatre amendements identiques sont venus apporter des précisions sur les montants à inclure dans l’assiette de la taxe. L’enjeu, les services connexes susceptibles d’être commercialisés par les redevables de la taxe. Cet amendement prévoit ainsi :
  • que tous n’ont pas vocation à être assujettis à cette taxe sur les services numériques ;
  • les critères de distinction.
Concrètement, l’exploitant d’une interface numérique est susceptible de proposer une grande diversité de services à différentes catégories d’utilisateurs. Pour les places de marché, il peut s’agir par exemple de services de logistique auprès des vendeurs ou d’offres multiservices auprès des acheteurs permettant à la fois un meilleur accès à la plateforme (réductions de prix, délais de livraison réduits) ou le bénéfice d’autres prestations (vidéo à la demande, stockage de données numériques). Ces prestations peuvent soit :
  • constituer des prestations distinctes des services taxables, commercialisées de manière indépendante ;
  • constituer des prestations qui, sur le plan économique, sont étroitement liées à la mise à disposition de la plateforme.
Et le modèle économique des services taxables repose sur le subventionnement croisé de prestations (marchés multifaces), qui, pour nombre d’entre elles, participent directement au modèle économique de la plateforme.
 
Ces quatre amendements précisent donc que :
  • l’ensemble des sommes versées par les utilisateurs de l’interface seront prises en compte dans la détermination de l’assiette taxable ;
  • à l’exception des sommes rémunérant des prestations bien identifiées qui répondent à un besoin spécifique des utilisateurs, distinct de la prestation de mise à disposition de la plateforme.
D’où vient cette distinction ? Elle est en fait inspirée de la jurisprudence européenne relative aux opérations complexes en matière de TVA (CJUE, 18 janv. 2018, aff. C-463/16, Stadion Amsterdam CV) : ne seront pas regardées comme une composante accessoire à la prestation principale de mise à disposition de l’interface les prestations connexes qui ne sont :
  • ni indispensables pour accéder à l’interface, ;
  • ni le moyen d’en bénéficier dans de meilleures conditions ;
Un exemple : les prestations logistiques commercialisées séparément par la place de marché et auxquelles les vendeurs peuvent librement choisir de ne pas recourir sans supporter de majoration du prix qui leur est appliqué pour l’accès à la place de marché.
 
Voici les deux alinéas ajoutés :
– « 3° (nouveau) Les encaissements versés en contrepartie de la fourniture d’un service taxable défini au 1° du II de l’article 299 s’entendent de l’ensemble des sommes versées par les utilisateurs de cette interface, à l’exception de celles versées en contrepartie de biens ou de services dont l’achat n’est pas indispensable à l’utilisation de l’interface et n’en permet pas une utilisation dans de meilleures conditions ;
– « 4° (nouveau) Les encaissements versés en contrepartie de la fourniture d’un service taxable défini au 2° du II de l’article 299 s’entendent de l’ensemble des sommes versées par les annonceurs, ou leurs mandataires, en contrepartie de la réalisation effective du placement des messages publicitaires ou permettant de réaliser un tel placement dans de meilleures condition ».
 
Entrée en vigueur
Le projet de loi prévoit un article L. 177 A, III, qui dispose que « la taxe prévue à l’article 299 du Code général des impôts due au titre de l’année 2019 donne lieu au paiement d’un acompte unique, acquitté dans les conditions que l’article 1693 quater du même code prévoit pour le second acompte ».
 
Dans la version du texte issue de la commission des lois, la période pour calculer le pourcentage représentatif de la part des services rattachés à la France défini au IV de l’article 299 bis du même code démarrait à compter de l’entrée en vigueur du texte.
 
Un amendement (TA AN, n° 1838, 2018-2019, amendement n° 142) a donné des précisions sur le point de départ de cette période. Désormais, elle s'ouvrira le lendemain de la publication de la présente loi pour courir jusqu’au 30 septembre 2019.

Prochaines étapes : le vote solennel du texte en séance publique, puis le passage au Sénat (en commission le 30 avril prochain).
 
Dans un calendrier un peu plus lointain, Bruno Le Maire a également apporté des précisions sur les/la/l’ :
  • l’impact de cette taxe sur les consommateurs et les start-ups françaises : « Il n’y aura pas d’impact pour les consommateurs » ; « Cette nouvelle taxe ne va pas pénaliser nos start-up, tout simplement car cette taxe vise les grands groupes numériques français et étrangers. Pas les start-up. Pas les entreprises qui se digitalisent » ;  
  • négociations internationales : « nous continuerons nos efforts au niveau international en travaillant à l’OCDE pour trouver un accord d’ici 2020 », étant précisé que « la France portera également au G7 une proposition d’un taux d’imposition minimale pour l’impôt sur les sociétés » ;
  • élargissement du champ de la taxe : « Je ne souhaite donc pas élargir le champ de la taxe. Certains me reprochent de ne pas intégrer  a vente directe sur internet – le e-commerce au sens large – dans le champ de la taxe » ;
  • justice fiscale et la fiscalité du commerce : « Le débat sur la fiscalité du commerce est également important et je suis prêt à l’ouvrir. C’est pourquoi nous avons donné avec le Rapporteur général un avis favorable à un amendement de Gilles Carrez qui prévoit la remise rapide d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur ce sujet. Nous sommes verrons quelles conclusions en tirer ».   
 
Source : Actualités du droit