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Prescription douanière trentenaire : pas besoin d’une décision de poursuite ou de condamnation

Affaires - Pénal des affaires
Transport - Douane
27/09/2023
Est censurée la cour d’appel qui écarte la prescription trentenaire de l’article 355 du Code des douanes à défaut d’une décision de poursuite ou de condamnation de l’opérateur émanant d'une juridiction d'ordre pénal : au contraire, selon un arrêt de la Cour de cassation du 20 septembre 2023, cette prescription trentenaire devait s'appliquer en présence d'un acte frauduleux seulement passible de poursuites judiciaires répressives, sans qu'il soit nécessaire que l'auteur de cet acte ait été effectivement poursuivi devant les juridictions pénales ou qu'il ait été effectivement déclaré coupable par ces mêmes juridictions, et il appartenait au juge de rechercher si un tel acte avait été commis, peu important qu'aucune poursuite pénale n'ait été engagée.
Pour mémoire, dans sa version issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, le 2 de l’article 355 disposait que la prescription triennale devenait trentenaire « lorsque c'est par un acte frauduleux du redevable que l'administration a ignoré l'existence du fait générateur de son droit et n'a pu exercer l'action qui lui compétait pour en poursuivre l'exécution ».
 
Se fondant sur cette version de cet article, la cour d’appel de Riom avait écarté la prescription trentenaire aux motifs qu’« absolument rien » dans le dossier de la Douane ne démontre que l’opérateur se serait livré « à des fausses déclarations constituant des infractions pénales », que « ces accusations ne résultent que des propres écritures » de la Douane, et que « faute de mieux, seule une décision de poursuite ou de condamnation émanant d'une juridiction d'ordre pénal serait de nature à donner du crédit à cette argumentation » : autrement dit pour cette juridiction du fond, à défaut d’une telle décision de poursuite ou de condamnation de l’opérateur émanant d'une juridiction d'ordre pénal, rien ne pouvait caractériser l'existence d'un acte frauduleux ayant empêché la Douane de connaître l'existence du fait générateur de son droit, ni donc justifier la prescription des 30 ans (CA Riom, 24 nov. 2020, no 19/01311, Administration des douanes c/ Sagem Défense Sécurité et a.).
 
Au contraire, pour la Douane qui a formé un pourvoi contre cette décision, la prescription trentenaire devait s'appliquer en présence d'un acte frauduleux seulement passible de poursuites judiciaires répressives, sans qu'il soit nécessaire que l'auteur de cet acte ait été effectivement poursuivi devant les juridictions pénales ou qu'il ait été effectivement déclaré coupable par ces mêmes juridictions.
 
Pour aller dans le sens de l’Administration, la Cour de cassation passe par les textes européens alors applicables qui renvoient au droit national le soin de définir les conditions du passage à la prescription trentenaire et la notion d’actes passibles de poursuites judiciaires répressives : pour la Haute cour, c’est donc bien le 2 de l’article 355 précité alors applicable qui fixe la règle et, en statuant comme elle l’a fait, « quand il lui appartenait de rechercher si un tel acte avait été commis, peu important qu'aucune poursuite pénale n'ait été engagée » à l'encontre de l’opérateur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision qui est cassée et annulée en toutes ses dispositions, l’affaire étant renvoyée devant la cour d’appel de Lyon.
Source : Actualités du droit