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Exonération d’IR des salariés détachés à l’étranger : la condition de domiciliation de l’employeur s’apprécie à l’égard de l’employeur réel

Affaires - Fiscalité des entreprises
Civil - Fiscalité des particuliers
02/11/2023
Pour l’application des dispositions de l’article 81 A du CGI, le juge de l’impôt doit rechercher si l’employeur réel du salarié détaché à l’étranger est établi en France, dans un autre État membre de l'UE ou dans un autre État membre de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative. La circonstance que l’employeur apparent du salarié détaché soit établi dans un État qui ne remplit pas ces conditions ne fait pas obstacle au bénéfice de l’exonération d’IR à raison des salaires perçus en rémunération de son activité salariée exercée à l’étranger, précise le Conseil d’État précise dans un arrêt du 17 octobre 2023.
Pour mémoire, le I de l’article 81 A du CGI prévoit que les personnes domiciliées en France au sens de l’article 4 B du CGI, qui occupent un emploi salarié et sont envoyées par un employeur dans un État autre que la France et que celui où cet employeur est établi, peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de leur activité exercée dans l’État où elles sont envoyées. Pour bénéficier de cette exonération, l’employeur doit avoir son siège en France, dans un autre État membre de l’UE ou dans un État partie à l’accord sur l’EEE, ayant signé avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

En l’espèce, à la suite d’un contrôle fiscal, l’administration a remis en cause l’application de l’exonération d’impôt sur le revenu, prévue par les dispositions du I de l’article 81 A du CGI, aux salaires qui avaient été versés à un contribuable au titre de son activité professionnelle exercée à la fois en Angola et en Namibie au titre des années 2015 et 2016.

Le tribunal administratif de Rennes ainsi que la cour administrative d’appel de Nantes ont successivement rejeté la demande du contribuable tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.  

La cour administrative d’appel a en effet retenu que ce dernier était lié par un contrat de travail avec une société dont le siège est situé dans un territoire qui est à la fois en dehors de l’UE et de l’EEE et de laquelle il percevait l’ensemble de ses rémunérations. Elle a également retenu que les preuves avancées par le contribuable afin d’établir que son employeur « réel » était une société dont le siège est basé en Grèce n’étaient pas suffisantes pour établir que cette société était son employeur au sens des dispositions de l’article 81 A du CGI. Elle a en conséquence jugé qu’il ne pouvait prétendre au bénéfice de l’exonération du I de l’article 81 A du CGI.

Dans un arrêt du 17 octobre 2023, le Conseil d’État précise que pour l’application des dispositions du I de l’article 81 A du CGI, la circonstance qu’un contribuable qui a son domicile fiscal en France soit formellement lié par un contrat de travail avec une société dont le siège social est situé, tout à la fois, hors de France, d'un autre État membre de l’UE et d'un autre État membre de l'EEE ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative, ne suffit pas, à elle seule, à exclure qu’il puisse se trouver dans une relation de subordination à l'égard d'un employeur établi en France, dans un autre État membre de l’UE ou dans un autre État membre de l'EEE ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative. Il précise à cet égard qu’il appartient au juge de l’impôt de rechercher si, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce et des preuves apportées par le contribuable, ce dernier peut être regardé comme remplissant ces conditions et par suite, comme relevant du champ d’application de l’exonération.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État relève que le travail du contribuable était organisé par une société située en Grèce dans laquelle se trouvaient ses responsables hiérarchiques qui lui fixaient ses périodes de rotation, arrêtaient ses ordres de mission, contrôlaient son activité, assuraient sa formation professionnelle et procédaient à ses évaluations annuelles. 

Par suite, selon le Conseil d’État, le contribuable doit être regardé, pour l’application des dispositions de l’article 81 A du CGI, « comme ayant été employé, au cours des années en litige, par cette société (…) établie en Grèce, c'est-à-dire dans un Etat membre de l'Union européenne, en dépit de la circonstance qu'il ait été lié, pour l'exercice des missions que lui confiait cet employeur, par un contrat de travail conclu avec la société (…) établie à Jersey, qui lui versait sa rémunération ». Il relève en effet qu’au cours des années d’imposition en litige, le contribuable avait été envoyé par son employeur - la société établie en Grèce - dans des États autres que la France et que celui d’établissement de cet employeur afin d’y exercer son activité salariée.

Ainsi, selon le Conseil d’État, le contribuable est fondé à demander le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu de l’article 81 A du CGI à raison des salaires perçus en rétribution de cette activité. Le contribuable est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années en litige ainsi que des pénalités correspondantes résultant de la remise en cause de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par les dispositions du I de l'article 81 A du CGI.
Source : Actualités du droit