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De l'usage des smart contracts

Tech&droit - Blockchain
08/06/2017
La blockchain n’est encore qu’une technologie peu comprise et dont le potentiel reste pleinement à exploiter. Pourtant, il s’agit bien d’une (nouvelle) révolution économique qui permettra de faciliter les échanges et surtout d’assurer leur sécurité. 
Définir la blockchain sans décourager son auditeur de s’y intéresser est un exercice difficile, mais l’on peut la caractériser comme une chaîne de blocs contenant des informations (comme des transactions par exemple) à l’image d’un registre et auquel tout le monde peut avoir accès (blockchain publique) et sans organe central de contrôle : la transparence du réseau est la raison de cette absence de régulation, la sécurité reposant sur les utilisateurs.
De cette technologie dérivent donc les smart contracts, ces contrats intelligents qui ont pour ambition (et vocation) de remplacer les conventions telles qu’elles existent aujourd’hui.
En théorie, la technologie blockchain rend les contrats infalsifiables et empêchent donc tout au litige au niveau de leur exécution. Leur originalité réside ainsi dans l’automatisation des processus de négociation et d’exécution des contrats permettant un transfert automatisé de valeurs lorsque les conditions sont mutuellement remplies. Dès lors que les conditions fixées au contrat sont vérifiées, le transfert est automatique et son existence reste figée dans la blockchain.
Les conditions sont assurées par la technologie, il n’y a plus de place pour la confusion, les questions d’interprétations ou les différends. À l’évidence, le revers de la médaille est celui de la standardisation de ces contrats qui doivent donc rester assez "simples d’esprit" et ne pas laisser une grande part à la négociation. L’utilisation de modèles est donc l’orientation que prend cette technologie intelligente car indépendante dans l’intervention d’un tiers.
Par exemple, nous pouvons illustrer le processus du smart contract par l’achat d’une boisson dans un distributeur automatique : si le prix est payé et que le produit sélectionné est disponible, alors les conditions sont remplies et la boisson sera délivrée. Les smart contracts, c’est aussi simple que ça, ou presque. En effet, ces contrats posent une problématique relative à l’identification des parties car elles sont censées rester anonymes sur la blockchain (utilisation de pseudonymes) et le régime légal de la signature électronique ne peut s’appliquer dans la blockchain puisque cela supposerait l’intervention d’un tiers de confiance.
Idem si l’on espère voir les smart contracts assurer la force d’un acte authentique : le Code civil prévoit que cet acte nécessite l’intervention d’un officier public. Or, la blockchain repose principalement sur l’absence d’organe de contrôle ou d’intermédiaire dans les opérations.
Certaines applications risquent déjà de se heurter au droit positif sans pouvoir espérer que ce dernier ne change : une start-up allemande a levé près de 150 millions de dollars pour le développement de contrats intelligents dans le cadre d’une location : la serrure est une clé intelligente qui se bloque lorsque le locataire ne paie pas le loyer. Une solution difficile à mettre en œuvre en France, le preneur disposant de droits renforcés car considéré comme la partie faible et ne pouvant être écarté de sa résidence pour de simples impayés.
En définitive, l’ambition des smart contracts est peut-être encore trop vaste pour un droit qui aura certainement des difficultés à les intégrer en son sein. D’ailleurs, comment réguler une technologie dont l’essence même repose sur l’absence de contrôle ? Cette épineuse question s’imposera bientôt au législateur qui aura comme difficile entreprise de concilier ces intérêts divergents. 
Source : Actualités du droit