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Décès d'une personne atteinte de troubles psychiatriques lors d'une interpellation policière : la France condamnée par la CEDH

Pénal - Procédure pénale
17/11/2017
Saisie après le décès d'une personne souffrant de troubles psychiatriques, consécutif à son interpellation par les forces de l'ordre, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), dans un arrêt du 16 novembre 2017, a considéré que les conditions de celle-ci, si elles n'avaient pas violé le droit à la vie, avaient néanmoins violé l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH), relatif à l'interdiction des traitements inhumains ou dégradants.
Dans cette affaire, un homme souffrant de troubles psychiatriques grave avait provoqué des troubles dans une pharmacie, devant le refus des pharmaciens de changer ses médicaments. Prévenues, les forces de l'ordre sont arrivées sur les lieux pour l'évacuer. Devant son refus d'obtempérer, les policiers l'ont porté dehors de force, en lui assenant au passage plusieurs coups de poing dans le plexus, avant de l'immobiliser dans leur fourgon, en le maintenant plaqué au sol. Voyant que l'état de santé de la personne interpellée se dégradait, les policiers ont appelé les secours, qui, malgré un massage cardiaque, n'ont pas pu la réanimer.

L'autopsie a révélé que l'homme souffrait d'une maladie cardiaque dont lui-même ignorait l'existence, et qu'il était mort des suites d'une défaillance cardiaque, favorisée par l'état de stress et d'agitation dans lequel il se trouvait.

Les requérants, des proches de la personne décédée, ont saisi la Cour en se fondant à la fois sur une atteinte au droit à la vie, protégé par l'article 2 de la CESDH, en arguant d'un lien de causalité entre la force utilisée et la mort de leur proche, et que les policiers avaient un devoir de protéger sa vie, devoir qui n'avait pas été respecté. Les requérants avancent également une violation de l'article 3 de la CESDH, relatif à l'interdiction des traitements dégradants et inhumains.

La Cour a considéré qu'il n'y avait pas violation de l'article 2, car s'il existe bien un lien relatif de causalité entre l'action des forces de l'ordre et le décès qui a suivi, cette conséquence n'était pas prévisible, la pathologie cardiaque de la personne décédée n'étant connue de personne. De plus, la promptitude des policiers à prévenir les secours exclut tout manquement à l'obligation de protéger la vie de la personne.

Cependant, la Cour constate une violation de l'article 3 de la CESDH, en ce que le traitement infligé par les policiers, et notamment les coups de poing au plexus, n'apparaissaient pas comme nécessaires. Mais la Cour précise néanmoins que ces traitements ne proviennent pas d'une volonté d'humiliation de la part des policiers, mais plutôt d'une impréparation, et d'un matériel inadapté pour ce genre de situations.

La Cour condamne donc la France sur le fondement d'une violation de l'article 3 de la CESDH.

Par Edmond Coulot
Source : Actualités du droit