Retour aux articles

Forte évolution d’un secteur : une définition du marché pertinent impossible ?

Affaires - Droit économique
01/06/2016
Lorsqu'un secteur a subi des mutations telles qu'il ne serait plus possible d'identifier et de porter une appréciation rétrospective sur des comportements passés des consommateurs, l'Autorité de la concurrence est en droit de constater qu'elle n'est pas en mesure de définir le marché pertinent.
Dans un arrêt du 12 mai 2016, la cour d’appel de Paris confirme la décision de l’Autorité de la concurrence du 28 novembre 2014, dans laquelle elle avait rejeté la plainte de la société Brandalley portant sur la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles de la société Vente-privée.com sur le marché de la vente évènementielle privée sur Internet.

La décision de l'Autorité de la concurrence : absence d'un marché de la vente évènementielle en ligne

Dans sa décision 14-D-18, l’Autorité avait considéré, d’une part, que l'existence d'un marché de la vente évènementielle en ligne, pour la période 2005-2011 n'était pas établie et, d'autre part, qu'il n'était « plus concevable, à ce jour, d'analyser la substituabilité du côté de la demande pour la période visée par le grief notifié », dans la mesure où « la perception contemporaine qu'ont les acteurs du marché sur les possibilités de substitution qui leur étaient offertes ou qu'ils considéraient comme telles il y a près d'une décennie ne pourrait être considérée aujourd'hui comme suffisamment fiable ».

Elle avait dès lors rejeté la plainte de la société Brandalley. Cette dernière a alors intenté un recours devant la cour d'appel de Paris dans lequel elle demandait, outre l'annulation de la décision de l'Autorité, une instruction complémentaire sur la période 2005-2011. Elle estimait en effet qu’en « affirmant péremptoirement que le marché pertinent ne pouvait plus être défini pour la période 2005-2011 et en décidant en conséquence, qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la procédure, l’Autorité a fait preuve d’une carence incompréhensible et injustifiable ». 

L'arrêt de la cour d'appel de Paris : une confirmation de l'approche de l'Autorité de la concurrence sur la question de la délimitation du marché pertinent

Pour la cour d’appel de Paris, l'instruction complémentaire demandée par la requérante aurait pour objet de déterminer si sur la période allant de 2005 à 2011, compte tenu des possibilités de substitution notamment du côté de la demande, il existait un marché pertinent de la vente évènementielle en ligne, l'instruction déjà menée n'ayant pas réuni sur ce point d'éléments suffisamment probants.

Or, une telle recherche serait vaine. Reprenant les arguments de l'Autorité, les juges parisiens relèvent que : 
– le secteur du déstockage de produits invendus a connu une très forte évolution, marquée, en particulier, par l'essor des sites de e-commerce proposant une offre de déstockage ; et que 
–  les importantes évolutions technologiques du secteur ont impacté les comportements d'achat des consommateurs.
Et de conclure qu'« il résulte [de ces mutations] qu'il ne serait plus possible d'identifier et de porter une appréciation rétrospective sur des comportements passés, et aujourd'hui différents, des consommateurs ». C’est donc « à juste titre que l'Autorité a constaté qu’en l’espèce l'analyse de la substituabilité du côté de la demande – indispensable à la détermination du marché pertinent – n'était, dès la date de la décision déférée, "plus concevable" ».
Source : Actualités du droit