Retour aux articles

Mort du passager d’un véhicule en fuite tué par les tirs d’un gendarme : violation du droit à la vie

Pénal - Droit pénal spécial
22/06/2018
L’usage d’une arme à feu par un policier en vue d’arrêter un véhicule en fuite, consécutivement à un vol de carburant et un cambriolage, compte tenu de l’absence de danger immédiat, n’est pas absolument nécessaire et emporte donc violation du droit à la vie. Telle est la solution d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) rendu le 7 juin 2018.
Dans cette affaire, à la suite d’un vol de carburant et d’un cambriolage, un véhicule avec à son bord trois hommes, dont le fils des requérants, avait été pris en chasse par une patrouille de gendarmerie. Le véhicule avait alors refusé de s’arrêter malgré une course poursuite et des tirs de flash-ball. Après deux sommations et avoir manqué de se faire renverser à deux reprises, un gendarme avait tiré six fois en direction du véhicule qui prenait la fuite.

Une information judiciaire pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner avait alors été ouverte à l’encontre du gendarme auteur des coups de feu. L’enquête a permis d’établir que le fils des requérants était décédé à la suite du cinquième ou sixième tir du gendarme. Une ordonnance des juges d’instruction avait alors requalifié les faits en homicide involontaire par imprudence. La cour d’appel avait infirmé cette ordonnance et dit que le gendarme n’était pas pénalement responsable, estimant que l’usage de son arme était absolument nécessaire pour immobiliser le véhicule. Un pourvoi avait été formé mais rejeté par la Cour de cassation (Cass. crim., 21 oct. 2014, n° 13-85.519, F-D).

Violation du droit à la vie

Pour conclure à la violation du droit à la vie (CESDH, art. 2), la cour relève que les gendarmes avaient préalablement utilisé des méthodes alternatives pour tenter d’arrêter la voiture et que le décès du fils des requérants avait eu lieu lors d’une opération inopinée, pendant laquelle la gendarmerie a dû réagir sans préparation préalable. Cependant, au vu de l’absence de danger immédiat posé par le conducteur et d’urgence à arrêter le véhicule, l’usage d’une arme à feu par le gendarme n’était pas absolument nécessaire pour procéder à une arrestation régulière au sens de l’article 2, paragraphe 2, b) de la CESDH.

La cour énonce par ailleurs qu’elle ne peut considérer que le gendarme agissait avec la conviction honnête que sa propre vie et son intégrité physique, de même que la vie de ses collègues ou d’une autre personne, se trouvaient en péril, au moment du tir mortel (cons. 48).

Enfin, elle note que postérieurement à cette affaire, la France a adopté le 28 février 2017 (loi n° 2017-258) une loi intégrant les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation et de la CEDH relatifs à la double condition tenant au critère d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité (CSI, art. L. 435-1).

Par June Perot
Source : Actualités du droit