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Loi PACTE : point sur l’encadrement des prestataires de services sur actifs numériques

Tech&droit - Blockchain
23/05/2019
Introduit par amendement lors de l’examen en 1re lecture par l’Assemblée nationale de la loi PACTE, qui vient de paraître au Journal officiel, le cadre de régulation des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) vise à régir le marché secondaire. Point précis sur le dispositif voté.
Ce régime relatif aux intermédiaires sur les marchés des actifs numériques, introduit par amendement lors de la première lecture à l’Assemblée nationale (TA AN n° 1237, 2018-2019, amendement n° 2492) a pour ambition « de permettre la mise en place d’un environnement favorisant l’intégrité, la transparence et la sécurité des services concernés pour les investisseurs en actifs numériques, tout en assurant un cadre réglementaire sécurisant pour le développement d’un écosystème français robuste » (TA AN n° 1237, 2018-2019, amendement n° 2492).
 
Concrètement, le Code monétaire et financier comprend désormais un nouveau chapitre, intitulé « Prestataires de services numériques » (C. mon. et fin, art. L. 54-10-1), qui liste dix types de services sur actifs numériques.
 
Ces dispositions ont également vocation à transposer la 5e directive anti-blanchiment (Dir. (UE) 2015/849), en assujettissant ces prestataires aux exigences relatives à la lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme.
 
Concrètement, voici ce que prévoit l’article 86 de la loi PACTE :
– une liste de services portant sur des actifs numériques ;
– l’enregistrement obligatoire pour deux services ;
– un agrément optionnel délivré par l’AMF pour tous les services sur actifs numériques ;
– des conditions communes pour la fourniture de tous les services ;
– des conditions spécifiques à chacun des services ;
– l’assujettissement des PSAN aux règles relatives à la lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme ;
– des dispositions pénales.

Et dans le détail, après des précisions terminologiques, l’article 86 de la loi PACTE identifie les services visés et liste les obligations de ces prestataires.

Les incontournables définitions…
Actifs numériques. - Aux termes de l’article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier, les actifs numériques comprennent :
  • « Les jetons mentionnés à l’article L. 552-2, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223-1 » ;
  • « Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échange électroniquement ».
Services sur actifs numériques.- C’est l’article L. 54-10-2 du Code monétaire et financier qui précise les services sur actifs numériques, dont le périmètre a beaucoup évolué au gré des débats parlementaires (v., notamment, TA Sénat n° 1673, 2018-2019).
 
Voici les dix services concernés :
  1. le service de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;
  2. le service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ;
  3. le service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques ;
  4. l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques ;
  5. La réception et la transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers ;
  6. la gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers ;
  7. le conseil a souscripteurs d’actifs numériques
  8. la prise ferme d’actifs numériques ;
  9. le lacement garanti d’actifs numériques ;
  10. le placement non garanti d’actifs numériques.
Un décret doit maintenant préciser la définition de ces services, texte qui devrait s’inspirer des définitions des services d’investissement issues de la transposition de la directive MIF 2, à l’exception du service de conservation (les PSAN proposant des solutions purement techniques de stockage de clés privées en seraient exclu v. AMF, avr. 2019, Prestataires de services sur actifs numériques, présentation des projets de textes d’application de la loi PACTE).
 
Concernant les échanges entre l’AMF et l’ACPR, le décret pourrait prévoir que la procédure d’enregistrement serait la suivante : transmission du dossier complet dans les 5 jours à l’ACPR, retour de l’ACPR sous 2 mois, réponse de l’AMF au requérant et notification à l’ACPR sous 1 mois (AMF, avr. 2019, Prestataires de services sur actifs numériques, présentation des projets de textes d’application de la loi PACTE)
 
Deux catégories de PSAN
Concrètement, il faut retenir qu’il existe deux catégories de PSAN : ceux qui ont l’obligation de s’enregistrer auprès de l’AMF et ceux qui peuvent, s’ils le souhaitent, solliciter un label.
 
Les PSAN soumis à enregistrement obligatoire.– Seules deux catégories de PSAN (C. mon. et fin., art. L. 54-10-3) sont soumises à obligation d’enregistrement : il s’agit des PSAN qui proposent un service de/d’ :
  • conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;
  • achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal.
Les candidats à l’enregistrement devront fournir un certain nombres d’informations à l’AMF pour qu’elle puisse effectuer un contrôle efficace des garanties exigées. En pratique, l’AMF contrôlera que :
  • les personnes qui en assurent la direction effective possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires à l’exercice de leurs fonctions ;
  • les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote du prestataire, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur ce prestataire au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du Code de commerce, garantissent une gestion saine et prudente du prestataire possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires ;
  • les prestataires ont mis en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propres à assurer le respect des dispositions des chapitres Ier et II du titre VI du présent livre qui leur sont applicables (obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme).
Étant précisé qu’il faudra obtenir l’avis conforme de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
 
Précisons, enfin, que les PSAN soumis à obligation d’enregistrement qui exerçaient leur activité avant l’entrée en vigueur de la loi PACTE disposent d’un délai de douze mois, à compter de la publication des textes d’application, pour s’enregistrer auprès de l’AMF.
 
Les PSAN pouvant solliciter un agrément facultatif.– Les PSAN, établis en France, qui fournissent à titre de profession habituelle l’un des autres services mentionnés à l’article L. 54-10-2, peuvent solliciter un agrément auprès de l’Autorité des marchés financiers.
 
Un décret viendra préciser les conditions pour obtenir cet agrément. Il pourrait prévoir (AMF, avr. 2019, Prestataires de services sur actifs numériques, présentation des projets de textes d’application de la loi PACTE) l’établissement par le requérant d’un dossier , intégrant toute une série d’informations et de documents :
  • à caractère général : nom ou dénomination sociale, liste des services fournis, documents de constitution de la société ;
  • sur l’identité des dirigeants et actionnaires détenant plus de 25 % du capital ou des droits de vote, ainsi que leurs connaissances, compétences et honorabilité, et sur l’identité des actionnaires directs ou indirects détenant au moins 10 % du capital ou des droits de vote,
  • à caractère financier : informations sur la situation financière, données prévisionnelles, hypothèses de planification, états financiers réglementaires, rapports du commissaire aux comptes le cas échéant ;
  • constatant l’existence d’un contrat de responsabilité civile professionnelle ou de fonds propres d’un niveau suffisant ;
  • concernant l’organisation de la société, dont un programme d’activité, dont le contenu est précisé dans le règlement général de l’AMF ;
  • relatifs aux règles de fonctionnement d’un plateforme de négociation sur actifs numériques, le cas échéant.
Enfin, le décret (AMF, avr. 2019, Prestataires de services sur actifs numériques, présentation des projets de textes d’application de la loi PACTE) pourrait préciser :
  • la procédure d’agrément optionnel qui ne fait intervenir que l’AMF (délai de 3 mois prorogeable une fois en cas de circonstances particulières) ;
  • la procédure en cas de modification d’agrément ;
  • les modalités de consultation de l’ANSSI pour avis sur la sécurité des systèmes d’information des prestataires.
Dernière précision, dans l'hypothèse où un PSAN, qui aurait sollicité un agrément optionnel, diffuserait des informations inexactes ou trompeuses sur la portée de cet agrément, l'AMF pourrait faire une déclaration publique (name and shame), pour dénoncer ces propos et leur auteur. Et les opérateurs proposant ce type de services qui diffuseraient des informations inexactes ou trompeuses laissant croire qu'ils auraient obtenu un agrément pourraient être mis en demeure par l'AMF (L. n° 2019-486, 22 mai 2019, JO 23 mai, art. 82) de cesser cette communication et de présenter sous huit jours ses obervations (pour les sanctions pénales, v. Loi PACTE : les sanctions pénales applicables aux PSAN et aux ICO, Actualités du droit, 23 mai 2019).
 
Un encadrement qui pourrait évoluer
Au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement (après avis de la Banque de France, de l’ACPR et de l’AMF) devra remettre au Parlement un rapport.
Son objectif :
– évaluer la mise en œuvre des dispositions de l’article 86 de la loi PACTE ;
– étudier l’opportunité d’en adapter les dispositions, et notamment, de rendre obligatoire l’agrément pour l’heure optionnel, au vu de l’avancement des débats européens, des recommandations du Groupe d’action financière et du développement international (GAFI) du marché des actifs numériques.

Les obligations à géométrie variable des PSAN
Ce qu’il faut retenir, c’est que ces obligations se déclinent entre un socle commun auquel s’ajoutent, pour certains PSAN, des engagements supplémentaires, fonction du type de prestation fournie (pour les sanctions pénales prévues par la loi PACTE, v. Loi PACTE : les sanctions pénales applicables aux PSAN et aux ICO, Actualités du droit, 23 mai 2019).
 
Socle commun d’obligations aux dix types de PSAN.– La loi prévoit que l’agrément est conditionné au respect d’un certain nombre de garanties. Le PSAN doit ainsi disposer :
  • d’une assurance responsabilité civile professionnelle ou de fonds propres, dont le niveau est fixé par le règlement général de l’AMF ;
  • d’un dispositif de sécurité et de contrôle interne adéquat ;
  • d’un système informatique résilient et sécurisé (l’AMF pourra, pour ce faire, solliciter l’avis de l’Autorité nationale en charge de la sécurité des systèmes d’information, ANSSI) ;
  • d’un système de gestion des conflits d’intérêts.
Côté obligation d’information, ils doivent :
  • communiquer à leurs clients des informations claires, exactes et non trompeuses, notamment les informations à caractère promotionnel, qui sont identifiées en tant que telles ;
  • avertir les clients des risques associés aux actifs numériques.
Obligation supplémentaire au titre de la conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques.– Les obligations divergent selon le service proposé. Pour ceux qui proposent la conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques, le règlement général de l’AMF viendra apporter des précisions, mais l’article 86 de la loi PACTE prévoit expressément un certain nombre d’obligations :
  • conclure avec leurs clients une convention définissant leurs missions et leur responsabilités ;
  • établir une politique de conservation ;
  • s’assurer de la mise en place des moyens nécessaires à la restitution dans les meilleurs délais des actifs numériques ou d’un accès aux actifs numériques détenus pour le compte de leurs clients ;
  • ségréguer les détentions pour le compte de leurs clients de leurs propres détentions ;
  • s’abstenir de faire usage des actifs numériques ou des clés cryptographiques conservés pour le compte de leurs clients, sauf consentement exprès et préalable des clients.
Obligation supplémentaire au titre de l’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ou d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques.– Les prestataires qui délivrent un service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ou d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques, sont pour leur part soumis aux obligations suivantes :
  • établir une politique commerciale non discriminatoire ;
  • publier un prix ferme des actifs numériques ou une méthode de détermination du prix des actifs numériques ;
  • publier les volumes et les prix des transaction qu’ils ont effectuées ;
  • exécuter les ordres de leurs clients aux prix affichés au moment de leur réception.
Avec, trois obligations en plus (c’est-à-dire qui se rajoutent à la fois au socle commun et aux obligations spécifiques communes à l’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie fiat et à l’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques) pour les PSAN qui proposent précisément des services d’échanges :
  • les personnes qui en assurent la direction effective justifient qu’elles possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires à l’exercice de leurs fonctions ;
  • les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote du prestataire, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur ce prestataire au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du Code de commerce justifient qu’elles garantissent une gestion saine et prudente du prestataire et qu’elles possèdent l’honorabilité et a compétence nécessaires ;
  • le prestataire justifie qu’il a mis en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propres à assurer le respect des dispositions des chapitres Ier et II du titre VI du présent livre qui lui sont applicables (obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme).
Obligation supplémentaire pour les plateformes de négociation d’actifs numériques.– S’agissant maintenant des prestataires proposant l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques, la loi PACTE prévoit qu’ils devront également remplir, en plus du socle commun, donc, les sept obligations suivantes :
  • justifier, pour les personnes qui en assurent la direction effective, qu’elles possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires à l’exercice de leurs fonctions ;
  • justifier, pour les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote du prestataire, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur ce prestataire au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du Code de commerce, qu’elles garantissent une gestion saine et prudente du prestataire et qu’elles possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires ;
  • justifier qu’ils ont mis en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propres à assurer le respect des dispositions des chapitres Ier et II du titre VI du présent livre qui leur sont applicables (obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme) ;
  • fixer des règles de fonctionnement, rédigées en français ou, dans les cas définis par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, dans une autre langue usuelle en matière financière ;
  • assurer une négociation équitable et ordonnée ;
  • n’engager leurs propres capitaux sur les plateformes qu’ils gèrent que dans les conditions et limites fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;
  • publier les détails des ordres et des transactions conclues sur leurs plateformes.
Obligation supplémentaire pour la réception et la transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers, la gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers, le conseil aux souscripteurs d’actifs numériques, la prise ferme d’actifs numériques, le placement garanti d’actifs numériques et le placement non garanti d’actifs numériques.– Les PSAN qui fournissent ces services doivent :
  • justifier, pour les personnes qui en assurent la direction effective, qu’elles possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires l’exercice à de leurs fonctions ;
  • justifier, pour les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote du prestataire, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur ce prestataire au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du Code de commerce, qu’elles garantissent une gestion saine et prudente du prestataire et qu’elles possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires ;
  • justifier qu’ils ont mis en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propres à assurer le respect des dispositions des chapitres Ier et II du titre VI du présent livre qui leur sont applicables (obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme) ;
  • disposer d’un programme d’activité pour chacun des services qu’ils entendent exercer, qui précise les conditions dans lesquelles ils envisagent de fournir les services concernés et indique le type d’opérations envisagées et la structure de leur organisation ;
  • disposer des moyens appropriés à la mise en œuvre dudit programme.
Obligation supplémentaire pour la gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers et le conseil aux souscripteurs d’actifs numériques : la nécessité de se procurer auprès de leurs clients les informations nécessaires pour leur recommander des actifs numériques adaptés à leur situation.
 
Pour les PSAN qui solliciteraient un agrément facultatif, les obligations à remplir seront les suivantes :
  • communiquer à ses clients des informations claires, exactes et non trompeuses, notamment les informations à caractère promotionnel, qui sont identifiées en tant que telles ;
  • avertir les clients des risques associés aux actifs numériques ;
  • rendre publique sa politique tarifaire
  • mettre en œuvre une politique de gestion des réclamations de leurs clients et en assurent un traitement rapide.
L’article 86 de la loi PACTE prévoit également les conditions de :
  • retrait, à titre temporaire ou définitif, de l’agrément ;
  • radiation des prestataires soumis à une obligation d’enregistrement.
L’AMF publiera ensuite la liste de tous les prestataires enregistrés et agréés, en indiquant précisément pour quel type de service chaque agrément aura été délivré.
Source : Actualités du droit