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Loi PACTE : ouverture de la possibilité pour certains fonds d'investir dans des actifs numériques

Tech&droit - Blockchain
23/05/2019
La loi PACTE vient de paraître au Journal officiel. L’article 88 de la loi PACTE permet aux fonds spécialisés professionnels d’investir dans les actifs numériques. Le point.
Deux types de fonds vont désormais pouvoir investir dans des actifs numériques.

Fonds professionnels spécialisés
Avant la publication de la loi n° 2019-xxx du xx mai 2019 (JO xx mai) relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, la seule catégorie de véhicules d’investissement susceptibles d’investir dans des crypto-actifs était celle des « Autres FIA ». Des véhicules « mal connus des investisseurs, avec un régime juridique peu détaillé dans la réglementation française et un cadre fiscal peu attractif, (qui) ne permettent pas à la gestion d’actifs française de se développer pleinement sur des sous-jacents adossés à l’économie numérique et contribuer ainsi de manière appropriée au fonctionnement du marché des crypto-actifs », souligne l’exposé des motifs de l’amendement n° 1862 (TA AN n° 1088, 2018-2019, amendement n° 1862).
 
Lors des débats parlementaires, pour positionner la France parmi les acteurs de référence sur le marché des cryptoactifs, il est apparu nécessaire de prévoir un cadre permettant aux fonds professionnels spécialisés (FPS) d’investir dans des actifs numériques. Les fonds professionnels spécialisés se sont imposés comme les véhicules les plus appropriés, à droit constant, pour cette finalité (exigences souples quant à leur gestion et aux actifs dans lesquels ils peuvent investir avec, en contrepartie, des contraintes strictes sur leur commercialisation, réservées aux investisseurs professionnels).
 
Un amendement de députés de la majorité (TA AN n° 1088, 2018-2019, amendement n° 1862), sous-amendé par le gouvernement (TA AN n° 1088, 2018-2019, sous-amendement n° 2383, afin de préciser que l’inscription dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé constitue donc un mode d’inscription, pour des titres financiers comme pour des crypto-actifs) a donc inséré un article 26 bis, devenu ensuite par le charme des renumérotations successives, l’article 88 de la loi PACTE. Un texte qui étend l’assiette des biens dans lesquels un FPS peut investir à ceux inscrits dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP).
 
Rappelons que l’article L. 214-154 du Code monétaire et financier prévoit que : « (…) par dérogation aux articles L. 214-24-29, L. 214-24-34 et L. 214-24-55, un fonds professionnel spécialisé peut investir dans des biens s'ils satisfont aux règles suivantes : 1° La propriété du bien est fondée soit sur une inscription, soit sur un acte authentique, soit sur un acte sous seing privé dont la valeur probante est reconnue par la loi française ». Cet amendement a donc inséré un alinéa disposant que la condition du 1° « est réputée satisfaite pour les biens qui font l’objet d’une inscription dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé ».
 
Fonds professionnels de capital investissement
L’assiette des actifs que peut détenir un fonds professionnel de capital investissement est également élargie.
 
Cette fois-ci, c’est le Sénat qui a introduit cette nouveauté (TA Sénat n° 28, 2018-2019, amendement COM-561). Le rapporteur M. Husson, auteur de cet amendement, souligne ainsi que « pour les professionnels informés et dotés d’un appétit élevé pour le risque, les actifs numériques (…) peuvent constituer une opportunité d’investissement et permettre la recherche d’un meilleur couple rendement-risque (…). Permettre à un véhicule de capital investissement de droit français d’investir dans cette nouvelle classe d’actifs contribuerait à encourager le développement, en France, de levées de fonds en actifs numériques, en complément de la mise en place du système de visa optionnel proposée à l’article 26 du présent projet de loi ». Cette ouverture est toutefois limitée par un certain volume : pour cantonner la prise de risque, les investissements en actifs numériques ne sont ainsi possibles que dans la limite de 20 % de l’actif du fonds.
 
Rappelons qu’avant la publication de la loi PACTE, ce type de fonds pouvait :
  • détenir des créances, dans la limite de 10 % de son actif ;
  • consentir des prêts aux entreprises, dans les conditions fixées par le règlement (UE) n° 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d'investissement à long terme, lorsqu'ils ont reçu l'autorisation d'utiliser la dénomination " ELTIF " en application de ce même règlement ;
  • accorder des prêts aux entreprises non financières dans des conditions et limites fixées par décret en Conseil d'État. 
L’article 88 de la loi PACTE insère un alinéa à l’article L. 214-160, qui autorise désormais ces fonds à investir également dans des actifs numériques : « Ces fonds peuvent également détenir des actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du présent code, dans la limite de 20 % de leur actif ».
 
Précisons, enfin qu’un amendement déposé en nouvelle lecture avait proposé de supprimer cette limite de 20 % de l’actif du fonds, au motif que les fonds professionnels étant un public averti, il n’apparaissait pas nécessaire de limiter leur investissement et qu’il fallait conserver leur capacité d’investissement et d’évaluation de la prise de risque de leurs investissements. Mais il a été rejeté (TA AN n° 1673, 2018-2019, amendement n° 662).
 
Source : Actualités du droit