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Rémy Ozcan, directeur général de Crypto4all : « Avec les ICOs, les PME vont pouvoir bénéficier d’un puissant nouvel outil de financement »

Tech&droit - Blockchain
23/05/2019
La loi PACTE qui vient de paraître au Journal officiel, pose un cadre de régulation pour les initial coin offerings (ICOs). Le point avec Rémy Ozcan, directeur général de Crypto4all, sur les potentialités de ce nouvel instrument de levée de fonds.
Actualités du droit : Que faut-il retenir du dispositif mis en place par la loi PACTE pour réguler les offres publiques de jetons ?
Il s’agit d’un signal très positif (L. n° 2019-486, 22 mai 2019, JO 23 mai, art. 85, créant les articles L. 552-1 et suivants dans le Code monétaire et financier) à l’égard des acteurs de l’industrie blockchain mais également à destination des entrepreneurs notamment pour les PME, qui vont pouvoir bénéficier d’un puissant nouvel outil de financement (pour plus de détails sur le cadre de régulation des ICOs, v. Ozcan R., Initial Coin Offering (ICO) : le nouveau paradigme du financement, RLDI 2019/160, suppl., à paraître et disponible prochainement sur Lamyline).
 
ADD : Va-t-on vers une certaine standardisation des whitepapers, au profit d’une meilleure information des investisseurs ?
Je crois profondément dans la protection des investisseurs par la qualité de l’information.
 
Les investisseurs doivent pouvoir prendre une décision d’investissement en toute connaissance de cause. Cela implique la nécessité de disposer d’un document dont la structure, le langage utilisé et la nature des informations sont standardisés.
 
À l’image du règlement PRIIPS (Règl. UE 1286/2014, 26 nov. 2014, JOUE 9 déc. 2014, n° L 352/1) et de la directive OPCVM (Dir. 2009/65/CE, 13 juill. 2009, JOUE 17 nov. 2009, n° L 302/32), une standardisation du document d’information contribuerait à améliorer la compréhension et la comparabilité des ICOs. Elle pourrait prendre la forme d’un modèle type de whitepaper contenant la structure et les informations minimales requises (v. sur ce sujet, le modèle de whitepaper, à paraître prochainement dans Lamyline).
 
La délivrance d’une information claire et non trompeuse est un moyen de protection des investisseurs.
 
ADD : Après une forte croissance en 2017-2018 et un fort déclin en 2019, les ICOs ont-elles encore un avenir ?
Comment envisager qu’une méthode de financement entièrement programmable, anti-dilutive, désintermédiée, sollicitant des investisseurs du monde entier et offrant une liquidité de l’investissement n’ait pas un avenir radieux ?
 
Il s’agit d’une innovation majeure pour le secteur du financement et bien plus profonde que le crowdfunding. Nous allons vers une décentralisation de la finance.
 
Après l’engouement, nous avons assisté à une plus grande maturité des ICOs.
 
Les entrepreneurs qui lancent des ICOs deviennent de plus en plus professionnels et de plus en plus transparents avec leurs objectifs financiers. En effet, plus de 70 % des ICOs ont mis en place des soft cap et hard cap (montant minimum et maximum de collecte pour considérer la levée de fonds comme un succès) au cours du second semestre de 2018, contre 30 à 40 % (https://coin360.com/blog/ico-market-review-and-trend-analysis) seulement un an auparavant.
 
Il est vrai que le nombre d’ICOs lancées et réussies diminue, mais le taux de réussite moyen a considérablement augmenté. En effet, il y a un an, seuls 25 % d'entre elles avaient réussi, alors que près des deux tiers (https://coin360.com/blog/ico-market-review-and-trend-analysis) avaient atteint leurs objectifs en mars 2019.
 
ADD : Pourraient-elles s’effacer au profit des STO ?
Absolument pas, les STOs ne poursuivent pas les mêmes objectifs que les ICOs. Les STOs sont tout simplement le fruit de la volonté de proposer un mécanisme de financement plus proche du financement traditionnel de type private equity et d’impliquer davantage les investisseurs dans l’avenir de la société. Elles offrent un moyen de pouvoir rendre plus efficace l’acquisition de titres de capital et/ou de dette d’une entreprise en améliorant la liquidité, la transférabilité, la transparence et la sécurité des titres.
 
L’émergence de nouveaux mécanismes de financement dérivés des ICOs est une évolution naturelle. Les ICOs sont perfectibles. L’apparition en 2019 de l’« Initial Exchange Offering » et du « Believers Reward Offering » l’illustre parfaitement.
 
Ces nouveaux moyens de financement ont un bel avenir devant eux notamment pour le financement des PME qui n’ont pas obtenu une réponse satisfaisante de la finance traditionnelle.
 
Propos recueillis par Gaëlle MARRAUD des GROTTES 
 
EXTRAITS 
Régulation des ICOs : revue des stratégies de régulation 
Face au déferlement du nombre d’ICOs, les autorités n’ont pas toutes adopté la même stratégie pour encadrer ce nouveau phénomène (v. G’Sell Fl., La réglementation des Initial Coin Offerings (ICO) : survol comparatif, Actualités du droit, 17 sept. 2018). Elles peuvent être regroupées en trois catégories.
 
La première approche consiste, à l’image de la Chine et de la Corée du Sud, en une interdiction pure et simple du recours aux ICOs. Le gouvernement Chinois l’a exprimé par l’intermédiaire d’une publication officielle, daté du 4 septembre 2017, émanant de la banque centrale chinoise (Banque Populaire de Chine, PBoC). Le gouverneur adjoint de la PBoC, Pan Gongsheng, a confirmé récemment étendre cette interdiction au STO.
 
La seconde réside, à l’instar des États-Unis, dans l’application de la réglementation préexistante en matière de financière. Il s’agit là d’une tendance naturelle d’essayer d’appliquer un cadre réglementaire préexistant lors de l’apparition d’une nouveauté. La Security Exchange Commission (SEC), autorité administrative de régulation des marchés financiers des États-Unis, considère (SEC, Report of Investigation Pursuant to Section 21(a) of the Securities Exchange Act of 1934: The DAO, July 25, 2017) que les « tokens » constituent des titres financiers au sens de l’article 2 (a) (1) de la loi sur les titres financiers (Securities Act of 1933).
 
Enfin, la troisième consiste à mettre en place un cadre réglementaire spécifique aux ICOs. Il s’agit de l’approche retenue par les États souhaitant favoriser le développement de ce nouveau moyen de financement dont la France, Malte (Virtual Financial Assets Act ; Malta Digital Innovation Authority Act ; Innovative Technology Arrangement and Services Act) et la Suisse (FINMA, Guidelines for enquiries regarding the regulatory framework for initial coin offerings, February 16, 2018) font partie.
 
Dans un contexte de compétition globalisée, l’attractivité d’une juridiction repose essentiellement sur sa capacité à offrir un cadre réglementaire et fiscal répondant aux attentes des entrepreneurs et investisseurs.
Ozcan R., Initial Coin Offering (ICO) : le nouveau paradigme du financement, RLDI 2019/160,  suppl., à paraître
Source : Actualités du droit