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Prescription des infractions continues : conformité à la Constitution de l’article 7 du Code de procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
28/05/2019

Les dispositions de l’article 7 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 avril 2006 ont pour seul effet de fixer le point de départ du délai de prescription des infractions continues au jour où l'infraction a pris fin dans ses actes constitutifs et dans ses effets ; en prévoyant que ces infractions ne peuvent commencer à se prescrire tant qu'elles sont en train de se commettre, les dispositions contestées fixent des règles qui ne sont pas manifestement inadaptées à la nature de ces infractions.

P
ar ailleurs, il ne résulte pas de ces dispositions une impossibilité pour une personne poursuivie pour une infraction continue de démontrer que cette infraction a pris fin, le juge pénal appréciant souverainement les éléments qui lui sont soumis afin de déterminer la date à laquelle l'infraction a cessé.

I
l en résulte que l’article 7 du Code de procédure pénale ne contrevient pas aux exigences relatives à la prescription de l'action publique qui découlent des articles 8 et 16 de la Déclaration de 1789 et que les mots « à compter du jour où le crime a été commis » figurant au premier alinéa sont conformes à la Constitution.

Telle est la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 24 mai 2019.

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d’État en date du 28 février 2019 (CE, 28 févr. 2019, n° 424993, v. Prescription des infractions continues : dans une future tourmente constitutionnelle ?, Actualités du droit, 4 mars 2019). La conformité des dispositions de l’article 7 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 avril 2006 était contestée, notamment quant à son interprétation par la Cour de cassation. Selon cette dernière, le délai de prescription de l'action publique pour les infractions continues ne commence à courir qu'à compter du jour où elles ont cessé. Une infraction continue serait dès lors imprescriptible « lorsque la partie poursuivie a échoué à démontrer qu'elle n'a pas été commise ou qu'elle a pris fin ». Il en résulterait, en premier lieu, une méconnaissance d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, que le requérant demande au Conseil constitutionnel de reconnaître, imposant au législateur de prévoir un délai de prescription de l'action publique pour les infractions « dont la nature n'est pas d'être imprescriptible ».

Le requérant estime, en deuxième lieu, que ces dispositions ainsi interprétées seraient contraires au principe d'égalité devant la loi en ce qu'elles institueraient une différence de traitement inconstitutionnelle entre les règles de prescription applicables aux infractions instantanées et celles applicables aux infractions continues « dont le terme ne peut être fixé avec certitude ».

En troisième lieu, il résulterait de l'imprescriptibilité alléguée une méconnaissance des exigences de nécessité et de proportionnalité des peines.

En quatrième lieu, la jurisprudence critiquée serait également contraire à la présomption d'innocence dès lors que la personne poursuivie devrait, pour invoquer la prescription de l'action publique, démontrer que l'infraction a pris fin, renversant ainsi la charge de la preuve.

En cinquième lieu, ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense dans la mesure où la personne poursuivie ne pourrait plus, à l'issue d'un certain délai, disposer des preuves nécessaires à sa défense. Enfin, la jurisprudence précitée contreviendrait au principe de sécurité juridique.

Reprenant la solution susvisée, le Conseil conclut à la conformité des dispositions contestées de l’article 7. Il relève notamment que, si, dans leur très grande majorité, les textes pris en matière de procédure pénale dans la législation républicaine intervenue avant l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 comportent des dispositions relatives à la prescription de l'action publique en matière criminelle, la prescription a été écartée, deux fois au moins, par les lois du 9 mars 1928 portant révision du Code de justice militaire pour l'armée de terre et du 13 janvier 1938 portant révision du Code de justice militaire pour l'armée de mer pour certains crimes. Dès lors, le principe invoqué par le requérant, selon lequel le législateur doit prévoir un délai de prescription de l'action publique pour les infractions « dont la nature n'est pas d'être imprescriptible », ne saurait être regardé comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République (nous soulignons).

Par June Perot

Source : Actualités du droit