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Demande d’asile d’un étranger retenu : le juge administratif compétent pour le maintien en rétention

Civil - Personnes et famille/patrimoine
10/10/2019
Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une QPC relative au maintien en rétention d’un étranger ayant fait une demande d’asile. Il confirme la compétence du juge administratif pour les contestations et déclare les dispositions de l’article L. 556-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 juillet 2019 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui porte sur la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 556-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle précise que « l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de maintien en rétention dans les quarante-huit heures suivant sa notification pour contester les motifs retenus par l'autorité administrative pour estimer que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement ». 
 
Le requérant, rejoint par la partie intervenante, interroge le Conseil constitutionnel sur les deux points suivants :
  • en donnant compétence exclusive au juge administratif pour apprécier la légalité des décisions de maintien en rétention prises à la suite d’une demande d’asile formée par un étranger retenu, ces dispositions ne priveraient-elles pas le juge judiciaire de son rôle de gardien de la liberté individuelle prévu à l’article 66 de la Constitution ;
  • et, en raison de l’insuffisance des voies de recours contre la décision de maintien en rétention et de la complexité résultant du partage de compétence entre les juridictions administratives et judiciaires dans le contrôle de la rétention, le droit à un recours juridictionnel effectif ne serait-il pas méconnu ?
 
Pour y répondre, les Sages rappellent que l’article 66 de la Constitution prévoit la possibilité pour le législateur de fixer des modalités d’intervention de l’autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle. Mais aussi qu’il existe un PFRLR selon lequel « à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ».
 
Au cas d’espèce, l’article L. 556-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que lorsqu’un étranger fait une demande d’asile alors qu’il a été placé en rétention en vue de l’exécution d’une mesure d’éloignement, l’autorité administrative peut le maintenir en rétention le temps de l’examen si, sur la base d’éléments objectifs, elle estime que la demande d’asile est faite pour faire échec à la mesure d’éloignement. Sinon, il est mis fin à la rétention. L’alinéa 2 prévoit que la décision de maintien en rétention peut faire l’objet d’un recours devant le président du tribunal administratif dans un délai de 48h.
 
Le Conseil constitutionnel estime donc que, « alors même qu'elle a pour effet de laisser perdurer une mesure privative de liberté, la décision par laquelle l'autorité administrative décide de maintenir en rétention un étranger au motif que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à la mesure d'éloignement constitue une décision relative au séjour des étrangers. Or, l'annulation ou la réformation d'une décision relative à une telle matière, prise dans l'exercice de prérogative de puissance publique par une autorité administrative, relève, en application du principe fondamental mentionné ci-dessus, de la compétence de la juridiction administrative ».
 
Dans un second temps, les Sages précisent que « les dispositions contestées ne privent pas le juge judiciaire de la faculté d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient et pour tout autre motif que celui tiré de l'illégalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement de l'étranger qui relèvent de la compétence du juge administratif ». Et que le législateur a la possibilité d’unifier les règles de compétence juridictionnelle.
 
Concernant la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, prévu à l’article 16 de la DDHC, le Conseil constitutionnel rappelle que la répartition des compétences entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire ne peut être considérée comme une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. Mais aussi, qu’un étranger ayant demandé l’asile, après son placement en rétention, peut déférer au juge administratif le maintien en rétention. Et, en l’absence de réponse et de libération, il peut saisir le juge administratif d’une référé-liberté.
 
Ainsi, les dispositions contestées sont déclarées conformes à la Constitution.
Source : Actualités du droit