Retour aux articles

Stable coin européen : trois députés soulignent la nécessité d’être plus audacieux

Tech&droit - Blockchain
13/12/2019
Alors que la Banque de France vient d'annoncer une expérimentation de monnaie digitale de banque centrale, trois députés attirent l'attention sur la nécessité d'être encore plus innovant.

Dans un communiqué commun publié début décembre 2019, trois députés (Pierre Person, Laure de La Raudière et Jean-Michel Mis) « se réjouissent de l’annonce faite mercredi par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France », qui vient en effet d’annoncer que la Banque de France testera l’année prochaine des règlements entre institutions financières « en monnaie digitale de banque centrale » (v. « Monnaie centrale digitale » : la Banque de France va lancer une expérimentation en 2020, Le Monde, 4 déc. 2019).


Une première, en Europe, même si cette expérimentation est pour l’heure doublement limitée (aux règlements entre institutions et aux transactions les plus importantes). Si elle s’avère concluante, elle pourrait néanmoins ouvrir la porte à un règlement de transactions financières en e-euros. 
 

Mais pour ces députés, il faut aller plus loin : ils « promeuvent (ainsi) la création d’une monnaie numérique européenne, en réponse à l’apparition de stablecoins (actifs stables) privés tels que le Libra ». Les enjeux, largement évoqués et détaillés par Bruno Le Maire cet été au moment des annonces de Facebook sur le développement de sa e-devise, Libra, touchent à la fois la souveraineté des États, leur stabilité financière, mais aussi la sécurité et la transparence des paiements.

 
Laure de La Raudière, Pierre Person et Jean-Michel Mis en sont convaincus, cet euro digitalisé sur blockchain doit être plus ambitieux et s’adresser également au grand public, autrement dit être utilisable pour l’ensemble des règlements : « si le choix d’une étape intermédiaire, visant à expérimenter ce dispositif dans l’unique sphère institutionnelle est compréhensible, les parlementaires souhaitent toutefois alerter sur la nécessité d’une action rapide afin de ne pas laisser le temps et l’opportunité à des initiatives privées de s’imposer auprès du grand public ». 
 
 

Quatre questions à Laure de La Raudière

Actualités du droit : Pourquoi, pour vous, est-il nécessaire que l’Europe développe sa propre monnaie digitale ?
Laure de La Raudière :
La première raison, c’est que lorsqu’une entreprise aussi puissante que Facebook s’associe avec des partenaires majeurs au niveau mondial pour proposer une monnaie privée qu’elle veut stable, et facile à utiliser mondialement, nous avons intérêt pour défendre la souveraineté des Etats à ce qu’il y ait une alternative qui soit portée par des institutions publiques et non pas par des acteurs privés.
 
La deuxième raison, c’est que l’euro a une place importante dans les échanges internationaux. Si on veut que l’euro restent une monnaie majeure dans les échanges internationaux, il faut que l’on puisse offrir une version digitale de l’euro afin que l’on ne perde pas en puissance internationale par rapport au dollar ou d’autres monnaies.
 
Une monnaie digitale d’État répondra, enfin, à une attente des consommateurs en matière de confiance et de stabilité. Les smart contracts ou les services développés autour de cette monnaie virtuelle d’État pourront rassurer les consommateurs en donnant de la confiance.
 
ADD : Que pourrait apporter concrètement aux particuliers une monnaie numérique européenne ?
L.L.R. :
Les monnaies digitales vont réduire les coûts des transactions. Pour le consommateur, la technologie sera transparente, mais les services pourront être payés avec des coûts de transaction moindre. Et l’usage sera plus simple que la carte bleue.
 
ADD : Quels sont les freins à ce développement d’une MDBC ?
L.L.R. : Pour l’instant, le principal frein est la décision politique au niveau européen de lancer ce projet.

Mais je trouve que les différents décideurs sont assez alignés sur la nécessité d’apporter une réponse en matière de fluidification des paiements, notamment après les annonces autour de Libra. Ce projet Libra d’un consortium d’acteurs privés a nettement permis d’accélérer les réflexions autour d’une monnaie digitale de banque centrale.
 
Pour l’instant, la décision n’est pas prise au niveau de la Banque centrale européenne, mais des réflexions sont en cours. Côté français, le ministère de l’Économie et des Finances et la Banque de France, très récemment, sont moteurs et soutiennent une mise en place d’un « stable-coin euro ».
 
ADD : Vous évoquez la nécessité d’une action rapide. Quelle serait pour vous la bonne temporalité ?
L.L.R. : Le projet Libra a, pour l’heure, pris de l’avance, mais c’est un retard qui peut se récupérer s’il n’y a pas trop de délai entre le lancement de Libra et le lancement du stable coin européen.
 
Le développement des usages de ces cryptomonnaies ne va pas se faire du jour au lendemain. Cela va être progressif. En revanche, il faut que l’euro virtuel soit là au moment où ces usages se développeront.


                                                                                                                                  Propos recueillis par Gaëlle Marraud des Grottes
 
 
Source : Actualités du droit