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Recours entre « constructeurs » : réponse à la double question de la durée et du point de départ de la prescription !

Civil - Responsabilité
20/01/2020
La Cour de cassation a tranché : le recours d’un constructeur contre un autre constructeur est soumis à la prescription quinquennale de droit commun à compter du jour où il a connu les faits lui permettant de l’exercer.
Une société entreprend la construction d’un immeuble. Interviennent un architecte et un carreleur, assuré en garantie décennale. Les travaux sont réceptionnés le 23 décembre 1999. Se plaignant de désordres et malfaçons, le syndicat des copropriétaires de la résidence assigne l’architecte le 17 décembre 2009, puis le carreleur le 28 décembre 2009, et l’assureur le 25 janvier 2010, en référé expertise. Un expert judiciaire est désigné. Le 11 décembre 2013, le syndicat assigne l’architecte en indemnisation. Ce dernier appelle en garantie le carreleur et l’assureur, les 10 et 12 juin 2014.
 
L’arrêt déclare l’action prescrite. Selon l’article 1792-4-3 du Code civil, la prescription de dix ans à compter de la réception s'applique aux recours entre constructeurs fondés sur la responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle. La réception des travaux est intervenue le 23 décembre 1999, le carreleur a été assigné en référé le 28 décembre 2009 et l’assureur le 25 janvier 2010, soit postérieurement à l'expiration du délai décennal.
 
La Haute juridiction casse l’arrêt en ce qu’il déclare prescrite l’action en garantie de l’architecte contre le carreleur et l’assureur. Elle explique son raisonnement en rappelant ses décisions antérieures.
 
Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable. Une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas (Cass. 3e civ., 8 févr. 2012, n° 11-11.417, Bull. civ. III, n° 23).
 
Le délai de la prescription de ce recours et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil. Ce texte n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants. En outre, fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu’il est assigné par le maître de l’ouvrage en fin de délai d’épreuve, du droit d'accès à un juge. D’ailleurs, la Cour de cassation a, dès avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, jugé que le point de départ du délai de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur n’était pas la date de réception de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 8 févr. 2012, n° 11-11.417, précité).
 
Le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du Code civil : il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
 
La Cour de cassation a jugé que l'assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l'encontre des sous-traitants (Cass. 3e civ., 19 mai 2016, n° 15-11.355).
 
Par conséquent, en déclarant l’action prescrite, après avoir constaté que l’architecte, assigné en référé-expertise le 17 décembre 2009, avait assigné en garantie le carreleur et son assureur, les 10 et 12 juin 2014, la cour d’appel a violé le premier texte susvisé, par fausse application, et le second, par refus d’application.
 
Pour aller plus loin, v. Le Lamy Droit de la responsabilité, nos 290-81 et 425-51 et Le Lamy Droit immobilier, n° 3597, 3647.
Source : Actualités du droit